Menu Terrena
  • English
  • Français
10588, 10588, dav, eaderhorizonlemag.jpg, 133276, https://www.terrena.fr/wp-content/uploads/eaderhorizonlemag.jpg, https://www.terrena.fr/impasses-de-fertilisation-toute-securite-2/dav/, , 57, , dav, dav, inherit, 9555, 2019-05-13 13:02:17, 2019-05-13 14:37:17, 0, image/jpeg, image, jpeg, http://www.terrena.fr/wp-includes/images/media/default.png, 996, 250, Array

Aurélie Beaupel, semeuse de projets

A travers le concours A Green Startup, cette passionnée de communication et de numérique se retrouve, l’air de rien, à  inventer l’agriculture de demain.

 

A la base, Aurélie Beaupel n’a rien, mais alors rien à voir avec le monde agricole. Cette diplômée en histoire a été libraire, correctrice professionnelle… avant de découvrir le numérique avec Houra.fr au tournant de l’an 2000. « Houra.fr était le premier site à proposer un supermarché en ligne en France. Moi, j’étais jeune maman, avec des besoins d’achats en gros de couches-culottes et de packs d’eau. Je leur ai écrit spontanément, pour leur dire que leur idée était géniale… mais que je n’achèterai jamais chez eux, parce que leur site n’était pas du tout ergonomique. Ce que j’ai dit les a intéressés, et ils m’ont proposé un boulot. Je suis restée plus de deux ans chez eux, avec pour mission de bâtir une stratégie de contenu. Là, j’ai vraiment découvert le numérique. Je n’en suis plus jamais sortie. »

 

Elle quitte Houra.fr en 2003 et arrive en Vendée. « Je me suis donné une année sabbatique, et j’ai décidé d’allier trois de mes passions et savoir-faire : l’écrit, la photo, la danse. » La voilà un peu journaliste, un peu blogueuse, un peu communicante, un peu animatrice de conférences. Et, « parce que je parlais de la danse de façon accessible à tous, des assureurs sont venus me chercher. Ils ne comprenaient pas pourquoi les outils qu’ils avaient mis en ligne ne marchaient pas auprès du grand public. »

 

Outils collaboratifs et réseaux sociaux

 

C’est là, dans le monde de l’assurance, qu’elle inaugure réellement sa façon de travailler, transversale, à l’anglo-saxonne, avec des dossiers ouverts et accessibles à tous et le recours à de nombreux outils collaboratifs. « Ça a plu, et ensuite, d’autres entreprises m’ont sollicité pour former leurs équipes à ces outils et aux réseaux sociaux. Aujourd’hui, le conseil en entreprise et la formation aux réseaux sociaux est toujours une partie importante de mon activité. »

 

Cette expertise des réseaux et de la formation l’amène assez logiquement à travailler pour le département Information et Communication de l’Université de Nantes, situé à La Roche-sur-Yon. « L’Université de Nantes est venue me chercher pour monter une licence en Community Management. Aujourd’hui, je suis chaque semaine une vingtaine de projets liant les étudiants et des entreprises. » 

 

En parallèle de cela, elle traîne dans les « Fablabs » – ces laboratoires de fabrication collaboratifs qui mettent à disposition de tous des outils de pointe – et y anime des ateliers de codes informatiques, de bricolage de meubles en palettes, de tricot… «Le but de ces ateliers, c’était de montrer que tout le monde a un talent et, qu’en se mettant ensemble, on est plus puissants. » 

 

« Accélérer des projets en agriculture »

 

Et l’agriculture et A Green Startup alors ? On y arrive. «Quand l’association Vendée Réseaux Sociaux s’est montée, fin 2012, ils ont fait appel à moi pour structurer cela. Depuis, je coordonne cette association, qui m’a permis de montrer ce que je savais faire dans le numérique. Et de rencontrer Hervé Pillaud, secrétaire général de la Chambre d’agriculture de la Vendée. A l’été 2014, il m’a proposé de travailler pour le projet A Green Startup. » 

 

A Green Startup ? « Tous les jours, les agriculteurs sur le terrain identifient des problèmes à résoudre. Mais ça s’arrête là. L’idée était de trouver une solution pour faire naître des projets. Il était évident que faire un concours pouvait marcher. Je me suis inspirée des Start Up Week-End pour le concevoir en détail. » L’idée : faire office de starter, en associant en un temps et un lieu des équipes à compétences mixtes et en mélangeant ainsi des gens passionnés et motivés, essayer d’aboutir à quelque chose de concret très rapidement.

 

Un concours de start-up agricoles

 

Qui peut y participer ? Tout le monde. « Les premiers intéressés sont évidement les porteurs de projets, les gens qui ont une idée mais qui n’ont pas les compétences, seuls, pour la réaliser. Ce sont souvent des gens en école d’ingénierie, en agriculture, ou des indépendants. » A ces futurs entrepreneurs s’ajoutent des étudiants en recherche d’expériences, des curieux, des «Géo Trouvetou » avides d’expériences, des gens qui veulent se constituer un réseau dynamique… En moyenne, chaque session attire une soixantaine de participants et jusqu’à 100 lors de la dernière édition de Tech Elevage.

 

« Tous les profils peuvent participer. Il faut juste une envie d’agir. » Le concours dure deux à trois jours et commence par une « foire aux pitchs » : chaque porteur de projet doit expliquer très rapidement en quoi consiste son idée, et de quelles compétences il a besoin. Les équipes se constituent avec les gens qui ne se connaissent pas mais qui, chacun, apportent leurs talents : informatique, ingénierie, communication, bricolage, gestion, marketing, design… Entre 8 à 12 projets se mettent en place, chapeautés par une vingtaine de mentors sélectionnés par Aurélie Beaupel, qui fait également office de maître du temps. «A Green Startup, c’est très court, très intense, pour que les gens donnent  le meilleur d’eux-mêmes. »

 

Après avoir réfléchi à leur projet et posé les premières bases, ils doivent présenter l’avancement du projet devant les mentors, lors d’un pitch intermédiaire en milieu de concours. Ils ont ensuite quelques poignées d’heures pour finaliser la chose et, lors du pitch final, ils doivent pouvoir présenter un projet aussi concret que possible. L’équipe gagnante remporte une dotation permettant de poser les bases du projet et un accompagnement à la création d’entreprise pendant quelques mois. Et les autres ? Rien  de garanti mais, le plus souvent, ils repartent avec un réseau, des contacts, éventuellement des financements de la part d’investisseurs (ou « Business-Angels ») de passage s’ils sont chanceux… 

 

Plusieurs projets passés par A Green Startup sont aujourd’hui des entreprises bien réelles : Biagri (plate-forme de vente en ligne de produits agricoles), Agricool (entreprise de production de fraises en ville, dans des containers), M-Cador (flottille de drones permettant de repérer de mauvaises herbes), Transformers (pot de fleur composteur)…  « L’idée, c’est que A Green Startup soit un accélérateur, à plein de niveaux. » 

 

A Green Startup a moins de deux ans mais, après la Roche-sur-Yon (Tech Elevage), le concours a essaimé à Châteaudun (Futur en Beauce) et à Angers (Sival). La prochaine session, prévue au Salon International de l’Agriculture de Paris, sera déjà la sixième.

 

«On est presque victime de notre succès. » 

 

Tout cela, c’est un peu (beaucoup) grâce à Aurélie Beaupel. « A Green Startup, c’est énormément de travail en amont. Je prospecte les entreprises, les Fablabs, les écoles… Mais, au final, je suis juste un facilitateur. Les gens ont des talents, il faut simplement les accepter, puis trouver des projets qui permettent de les utiliser. »

Et l’agriculture, de façon générale, qu’en pense-t-elle ? « Je ne connaissais pas du tout ce secteur avant. Mais, comme je suis curieuse, ça m’a tout de suite intéressée. Et, du coup, j’ai pu arriver avec un regard neuf, poser plein de questions et me rendre compte des problématiques. En général, les agriculteurs souffrent d’isolement et ils manquent au moins d’une des trois choses suivantes : du temps, de l’argent ou des compétences. C’est pour cela que des concours comme A Green Startup répondent à un véritable besoin. On  est presque victimes de notre succès. »

 

Mais si elle compte pas mal d’agriculteurs parmi les « mentors » qui coachent ses groupes. Elle reste le plus souvent loin des exploitations. « J’aurais bien envie d’aller plus sur le terrain, pour aller chercher les agriculteurs et leurs idées. Et c’est vrai que, souvent, les agriculteurs me voient comme une extraterrestre. Mais je suis une extraterrestre qui sourit, donc tout se passe bien. Et, dès qu’ils m’entendent parler de trouver des réponses aux problématiques qu’ils rencontrent. Ils tendent une oreille attentive… »

Thierry Soulard

Horizon n°130 – Avril-Mai 2016