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Aux abords de la vigne

Dans les espaces viticoles, le contrôle biologique des insectes ravageurs est recherché. La parcelle, tout comme le paysage, sont l’objet d’expérimentations et d’actions collectives.

 

La vigne est réputée pour être une culture intensive. De véritables «mers de vigne» existent dans le paysage et le problème des ravageurs s’y posent comme ailleurs. C’est notamment le cas dans les secteurs d’appellations AOC qui concentrent la vigne à l’intérieur d’une zone, avec la disparition de toute autre culture. Parmi les ravageurs les plus présents, on peut citer la cicadelle, insecte piqueur suceur qui s’attaque aux feuilles, vectrice de maladie, ainsi que les vers de grappe, papillons qui perforent les grains de raisins, favorisant l’installation de la pourriture.

 

Dans plusieurs vignobles, des études sont menées pour mesurer la corrélation entre le paysage viticole et la répartition des ravageurs. On constatedéjàqu’il est difficile d’établir une règle. Par exemple, dans l’AOC Saumur-Champigny, les vers de grappe semblent plus nombreux dans un contexte de paysage diversifié que dans un contexte homogène de vigne alors qu’on observe l’inverse pour les cicadelles vertes. « Tout dépend donc de l’écologie de l’espèce. Favoriser de l’hétérogénéité est une bonne chose mais cela ne suffit pas à résoudre toute la difficulté», précise Guillaume  Pain, enseignant chercheur à l’ESA d’Angers dans l’unité paysage et écologie.

 

 

Favoriser le développement d’auxiliaires

 

Des pistes de réflexion se dégagent déjà pour favoriser le contrôle biologique des insectes ravageurs à l’échelle de l’exploitation. Limiter, pour les ravageurs, l’accès aux abris et aux ressources en nourriture semble la bonne stratégie. Pour cela, il est important d’éviter les monocultures et de diversifier les cultures, et de limiter la présence des plantes hôtes convoitées par les ravageurs tel que, par exemple, le genévrier pour la cicatelle.

 

Parallèlement, il s’agit de favoriser  la survie, le développement et la reproduction des insectes auxiliaires durant l’hiver. Il paraît opportun de mettre des couverts permanents diversifiés qui constituent des habitats complémentaires pour accueillir des prédateurs de tout type: spécialistes, généralistes, volants et marcheurs. « Il s’agit aussi de raisonner à l’échelle de l’espace de production et non de se limiter à la parcelle en entretenant les abords des champs, les talus herbeux, les fossés, et les tournières. Des espaces souvent perçus comme inintéressants et mangeurs de temps que l’on essaie decontenir alorsqu’ils contribuent au fonctionnement de l’agro-système», précise Guillaume Pain.

 

De même, il est préférable de ne pas perturber la faune auxiliaire, en fauchant l’herbe seulement un rang devigne surdeux au même moment,  et en laissant la végétation aux abords des champs se développer. « Il ne faut pas chercher à être trop propre. Répandre des herbicides sur un sol nu favorise plutôt le retour d’adventices qui posent problème alors qu’iI est préférable de maintenir une végétation pérenne.»

 

 

Agir à l’échelle du paysage

 

« La parcelle est un territoire trop restreint pour agir. Des travaux se développent à l’échelle du paysage pour trouver comment l’aménagement de l’espace de production peut contribuer à la lutte contre les ravageurs.» C’est dans ce cadre que s’inscrit un projet lancé en 2004 par le syndicat des viticulteurs de l’AOC Saumur-Champigny appelé «Biodiversité et Paysage».

 

A travers l’aménagement de Zones Ecologiques Réservoirs, la plantation de haies et de couverts végétaux ligneux dans des espaces non productifs, l’objectif des viticulteurs a été d’augmenter la biodiversité, et notamment les populations d’ennemis naturels des ravageurs de la vigne. Les ZER étant des infrastructures agro-écologiques naturelles ou semi-naturelles préservées de toute intervention qui favorisent la présence de la diversité végétale et animale.

 

La première étape de ce projet a consisté à réaliser un diagnostic pour identifier les ravageurs, et à décrire précisément l’occupation du sol:ZER, enherbement des parcelles, et essences d’arbustes présentes. Une phase d’aménagement spontanée s’est déroulée de 2005 à 2008, suivi d’une autre de 2008 à 2010, avec cette fois un plan d’aménagement sur des zones prioritaires telles que les espaces de monoculture, et les zones où les milieux semi-naturels sont  fragmentés.

 

Des sites potentiellement aménageables ont été définis en repérant les espaces interstitiels déjà présents: inter-champs, talus, murs, pieds d’arbre isolés, bords de route, tournières. L’objectif étant de rompre l’homogénéité, d’augmenter la taille des fragments, et de créer ainsi des corridors Au total, ce sont 20 kilomètres qui ont été aménagés grâce à 80 planteurs. Une des clefs de ce projet fut l’animation qui a permis de sensibiliser et de mobiliser un grand nombre de vignerons, devenus acteurs du paysage.

 

«Ce projet montre qu’il est possible de fédérer un groupe de producteur pour une action collective, le plan d’aménagement donnant du sens aux actions menées », conclut Guillaume Pain.

 

 

L’avifaune et la flore dans l’AOC et ses espaces viticoles.

 

Le programme de recherche DIVA « Action publique, Agriculture et Biodiversité » a permis de mesurer la biodiversité du secteur AOC Saumur-Champigny, qui s’avère riche aussi bien en biodiversité ordinaire qu’en  biodiversité patrimoniale. A cette échelle, les éléments boisés contribuent de façon importante à la richesse de la flore et de l’avifaune. Au niveau des parcelles très peu d’oiseaux, tant en espèces qu’en nombre d’individus,sont observés dans les vignes,mis à part l’alouette lulu qui utilise préférentiellement cet habitat.

 

Parmi les oiseaux observés dans les vignes, seul le bruant zizi est considéré comme une espèce spécialiste des milieux agricoles et la plupart sont favorisés par la présence d’éléments ligneuxdans le voisinage de la parcelle. Trois espèces utilisent indifféremment bordures de champs et parcelles: l’alouette des champs, le pipit farlouse et la linotte mélodieuse.

 

 

Pour la flore, plus de 400 espèces ont été relevées dans les espaces interstitiels de l’AOC (bordure de parcelles, tournières, friches…) dont 6% sont relativement rares et certaines protégées. Ces espaces interstitiels présentent donc une richesse globale et patrimoniale potentiellement forte. Cette étude montre que les paysages viticoles peuvent contribuer au maintien de la biodiversité dans le cas présent pour la flore et les oiseaux, notamment au sein des espaces interstitiels qui accompagnent la vigne, la diversité de la mosaïque d’occupation du sol contribuant de façon importante à cette biodiversité.

 

 

 

 

Isabelle Hingand