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Des pondeuses bio et haut perchées

 

Mieux pour le bien-être des pondeuses, le confort de travail et transmettre demain.À La Petite Boissière, Guylène et Jean-Pierre Godet sont tombés sous le charme discret de la volière. Un système encore peu répandu en France, a fortiori en bio.

 

Chacun son exploitation. À La Petite Boissière en Deux-Sèvres, Guylène et Jean-Pierre Godet sont à la fois époux, collègues dans le travail et patrons chacun de leur affaire. Ils ont aussi en commun d’être entièrement versés dans la volaille. Mais ils ont leur domaine de prédilection. Elle: «Je me suis installée en poules pondeuses en 2005; avant j’aidais Jean-Pierre aux poulaillers, mais c’était très ponctuel. » Lui : « Moi j’ai démarré en 1989 avec les volailles label sur trente-huit hectares. Je faisais aussi des oies, des moutons, des chevreaux.» Guylène est également salariée de l’usine d’aliments volaille Noréa toute proche.
«Je suis passée à mi-temps pour démarrer mon élevage. Je pensais arrêter mon travail, mais j’ai besoin de contacts et j’aime bien ce que je fais. » Aujourd’hui, elle combine toujours ses deux activités, même «si c’est chaud parfois de concilier les deux». Elle s’installe en construisant un bâtiment pour dix mille poules plein air avec un parcours de 4,5 ha et bénéficie d’un prêt jeune agriculteur. Puis, elle passe en bio en 2009. Jean-Pierre va suivre avec les poulets et les terres.
Le parcours est suffisant mais l’effectif tombe à 7 400 poules pour respecter les contraintes du bio. Des séparations sont aménagées dans le bâtiment et un jardin d’hiver créé sous l’auvent existant. Les poules peuvent s’y ébattre jour et nuit tout en étant à l’abri des intempéries et des renards. Enfin en 2016, l’été dernier, alors que bâtiments et équipements sont presque amortis, tout est modifié. « Je suis passée en système volière avec douze mille poules. » Guylène et Jean-Pierre ont eu le coup de foudre à l’occasion de visites d’élevages: «On a trouvé cela très bien pour les poules et pour l’éleveur. » Un gain de confort réciproque. L’équipement intérieur est complètement changé. Sur deux lignes, des perchoirs s’étagent presque jusqu’au plafond et deux chaînes d’alimentation sont superposées. Situé en dessous de ces zones de repos et de ponte, un système de récupération des fientes évacue mécaniquement les déjections deux fois par semaine. «Le gros avantage pour nous est qu’il n’y a rien à démonter au moment du vide sanitaire. » Une fois par an, au renouvellement de cheptel, tous les équipements devaient être retirés pour procéder à la vidange et au lavage du bâtiment, Ce n’est plus le cas : « C’était un gros travail de trois à quatre semaines, très éprouvant.» L’âge avançant, les éleveurs veulent réduire la pénibilité: «Cela aidera aussi à rendre l’outil transmissible.»

Pour eux, la volière a d’autres avantages encore: «Comme le vide sera plus court, on va gagner deux à trois semaines de production sur l’année. » Démarré en octobre, le premier lot de pondeuses partira en novembre et les nouvelles arriveront dès décembre, avant Noël. Le parcours a été agrandi pour accueillir les poules supplémentaires, mais pas le bâtiment. «On en met plus par mètre carré couvert, mais elles ont plus de confort ». Pour comprendre ce paradoxe, il faut observer les animaux. Du sol au plafond, les poules se perchent sur différents niveaux, occupant l’espace dans tout son volume ou presque: «La hiérarchie se fait naturellement. Il y a une échappatoire pour les dominées » commente Charles Gadais, technicien qui suit l’élevage de Guylène. Jean-Pierre acquiesce: «Maintenant c’est très calme et les performances sont meilleures.» Jusqu’ici, les poules produisent plus en mangeant moins.
Comme elles ne sont pas toutes à même hauteur, la température intérieure est plus élevée en hiver que dans un élevage où toutes logent au rez-de-chaussée. «Leurs besoins d’entretien sont moindres» traduit le technicien. Guylène constate : « Pour l’instant, elles maintiennent le niveau de ponte du début. » Selon Charles Gadais, le bénéfice vient de la « la petite poule dominée qui pond plus longtemps». Autre signe de confort : «Dès vingt heures, les trois quarts sont déjà rentrées et perchées. » Les chaînes d’alimentation étant elles aussi à différents niveaux, « les dominantes mangent en haut et les dominées sont tranquilles pour se nourrir en bas». Tout cela rend les lots beaucoup plus homogènes. « Cela me rappelle l’organisation du poulailler de ma grand-mère, se souvient Jean-Pierre, avec des nids dans les murs, des perchoirs à différents niveaux, on ne voyait pas de poules dormir à terre. »

 

Onze mille oeufs par jour

 

 

Mais tout ça a un coût : «On a réinvesti trente euros par poule; pour du neuf c’est soixante. » La différence est dans la «coque» du bâtiment, âgée de douze ans, encore en parfait état. Outre les performances et le nombre de poules, la viabilité de l’élevage sera prolongée. Pour le reste, rien n’a changé dans le travail de Guylène: « Je suis au poulailler le matin tôt. » Tous les jours, elle fait son tour pendant une heure avant d’aller au boulot. «L’après-midi j’y retourne une à deux heures selon ce que Jean-Pierre a fait. En tout cela fait 3 à 4 heures de travail par jour ; un bon mi-temps agricole car c’est tous les jours. » L’ «emballeuse», la machine qui conditionne les oeufs arrivant par les tapis roulants, absorbe sans problème le nombre quotidien: onze mille oeufs, soit 3,5 millions par an. Trois caméras de surveillance ont été installées. Deux à l’arrivée des oeufs sur les convoyeurs car «des poules y parviennent parfois, bloquent l’avancée et cela fait de la casse». Un écran situé au poste de conditionnement permet de surveiller ces deux points chauds: «Je regarde régulièrement qu’il n’y a pas de poule. » La troisième caméra filme l’intérieur du poulailler : «On l’a aussi sur le portable. »

Le principal souci est la ponte en dehors des nids: «On en a un peu plus que la moyenne dans ce genre de bâtiment. Il faut qu’on ajuste la ventilation. » La ponte en volière « c’est très très technique » insiste Charles Gadais. Or ici, il s’agit d’un réaménagement. Cela demande quelques ajustements. « Pour que les poules pondent bien dans les nids, il faut qu’elles s’y sentent en sécurité. » Cela requiert obscurité, chaleur supérieure à l’extérieur et surtout pas de courant d’air. «Si elles trouvent le même confort en dehors du nid, elles peuvent pondre ailleurs.»

Chaque démarrage de ponte commence par une période «d’éducation» de six à huit semaines: «Si on passe à côté, on en a pour un an avec des poules qui pondent en dehors des nids.» Ce qui est arrivé: «En décembre, il ne faut pas que cela recommence, on ne va pas se faire avoir deux fois. Chez nous, avant, on n’en avait jamais eu.»

 

 

 

Fientes asséchées et vendues

 

La rentabilité va dépendre entièrement des performances techniques car les prix de reprise des oeufs et d’achat des aliments sont fixés par contrat. Les charges sont importantes : quatre-vingt mille euros de cheptel par an, cinq cent cinquante tonnes d’aliments bios par an d’une valeur globale de 275 000 euros. «La moindre chute de ponte amène des pertes. Cela se joue au gramme d’aliment en plus ou en moins par oeuf. » Rigueur et régularité sont les clés pour tenir le revenu. Le bio n’est en lui même pas plus rentable selon les éleveurs : «L’investissement global en neuf est le même que pour un élevage en cages de quarante mille poules. Le revenu est similaire, de même que le temps de travail. C’est sûr que si on n’était pas en bio, ce ne serait pas viable. »

La récupération des fientes apporte cependant un bonus. Une soufflerie injecte de l’air, ce qui permet en partie de les assécher durant leur bref séjour dans le bâtiment. Normées et compostées, elles sont vendues: «En bio c’est recherché.» Les éleveurs ont investi dans un tracker solaire pour couvrir la consommation électrique: «On n’a pas besoin d’électricité la nuit, l’éclairage et le séchage sont arrêtés. » Pour eux, le passage en bio est « plus philosophique qu’économique ». Un choix lié, disent-ils, à des problèmes de santé vécus dans la famille qu’ils attribuent à l’usage des pesticides. Produire l’oeuf en bio n’est point une sinécure. Cher, l’aliment est aussi « plus compliqué à fabriquer et sa régularité moins facile à assurer ».

Guylène et Jean-Pierre sont fiers de leurs choix. L’éleveuse trouve le temps de faire un marché de producteurs par semaine dans la commune voisine de Combrand. « Les oeufs, quand on aime la volaille, c’est vraiment la finalité. » L’éleveur lui ne manifeste pas grand intérêt dans les terres : «Sur mes trente-huit hectares, j’en loue treize; au départ c’était pour installer un jeune.» Il ne cultive qu’une quinzaine d’hectares: «Je fais une rotation trèfle, blé et maïs. L’élevage est prioritaire.

 

■ Dominique Martin

 

Un poulailler avec jardin d’hiver
Le poulailler est séparé en quatre lots de trois mille poules, chacun ayant son parcours de 1,2 ha. Outre l’aménagement intérieur en volière, il a la particularité de disposer d’un jardin d’hiver éclairé en lumière naturelle, accessible jour et nuit, tous les jours de l’année. Un rideau motorisé fait office de trappe le soir, sa partie haute permettant la ventilation. « Le auvent longeant le bâtiment existait avant. On a juste eu à installer le rideau. » Les trappes d’origines restent ouvertes. Le cahier des charges bio impose un maximum de six poules par mètre carré de surface de vie. Celle-ci ne comprend pas les nids, ni le parcours. « Grâce au jardin d’hiver, on a pu augmenter cette surface. Sans lui, on ne pourrait mettre que dix mille poules. Cela nous a juste coûté le rideau. » Un beau rideau certes.

 

L'exploitation

Guylène Godet – exploitante individuelle.

Productions animales

  • • 12 000 pondeuses en élevage biologique

Surfaces

  • 4,5 ha de parcours pour les poules pondeuses

Dates clés

  • 2005 : Installation de Guylène avec mi-temps salarié et construction du poulailler pour dix mille pondeuses plein air
  • 2009 : passage en bio ; réaménagement du bâtiment et des parcours pour 7 400 pondeuses
  • 2016 : nouvelle aménagement en volière pour douze mille pondeuses