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Mon électricité en circuit court

Produire une partie de son électricité avec un tracker photovoltaïque. Alain Lecomte n’a pas hésité longtemps. Pour cet éleveur de porc engagé en transformation et vente directe, le choix du circuit court électrique n’est pas philosophique mais économique.

 

Au printemps, un curieux tournesol géant et mécanique a poussé tout au bout des porcheries. Aussi haut que le silo tour où Alain Lecomte stocke tout son maïs-grain humide. Depuis la route entre Candé et Châteaubriant, la silhouette à grande tête plate fait forte impression, surtout qu’elle tourne et s’incline pour demeurer toujours en face de l’astre du jour.

 

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Le matin complètement à l’est et presque verticale, le soir tout à l’opposé pour accrocher les derniers rayons sur l’horizon. Et le midi en été, la grande plaque s’allonge à l’horizontale sous le soleil au zénith. Ce suiveur de soleil ne se contente pas de capter la curiosité des automobilistes. Couvert de panneaux photovoltaïques, il traque obstinément les kilowatts gratuits que le ciel de Vritz laisse filtrer. «De l’électricité qu’on n’achète
pas » explique simplement Alain Lecomte.

 

Cela fait vingt-cinq ans qu’il élève et produit du porc avec Valérie son épouse. «En 1990, on a démarré comme naisseur en plein air.» Il y a cinq ans, ils ont laissé les truies. Alain s’est associé avec d’autres dans une maternité collective, installée sur les lieux d’une exploitation voisine. Toutes les quatre semaines, l’élevage accueille ainsi 340 porcelets de huit kilos dans ses bâtiments de post sevrage. Des porcheries sortent quatre mille trois cents porcs par an. La majeure partie est vendue en porcs D’Anvial, car leur alimentation en enrichie en graines de lin et colza.

 

Mais pour quatre cents cochons, c’est une toute autre histoire. «On les transforme et on les vend en direct. » Cela fait quatorze ans qu’ils se sont lancés. «On a augmenté petit à petit. On a démarré par le cru puis on est passé au cuit. » Pièces de découpe, saucisses, pâtés, rillettes, jambons, produits fumés, verrines, viandes cuisinées, Valérie et Alain proposent aujourd’hui une centaine de produits différents issus de leurs cochons. Des «porcs nourris avec l’aliment fabriqué à la ferme» comme il est écrit sur leur bon de commande.

 

Grâce à l’irrigation, Alain cultive son maïs-grain récolté et stocké humide, entièrement autoconsommé de même que le blé. «On complète avec des achats». La surface de l’exploitation n’est que de 56 ha et Alain cultive aussi des haricots verts sous contrat pour valoriser son pivot d’irrigation. 

 

Produire en partie et fabriquer lui-même l’aliment des porcs est sans doute un plus vis à vis des clients mais aussi une sécurité économique pour l’élevage. Il en est de même de la vente directe, une assurance de revenu dont Alain assure qu’elle est devenue « la production principale de l’exploitation».

 

C’est elle en effet qui structure l’emploi du temps sur la ferme: «Tous les dimanches, on a un départ de porcs.» Quatre en hiver et jusqu’à quinze cochons l’été. Ils sont abattus le lundi matin chez Holvia porc à Laval. Les carcasses sont rapatriées dès le soir. «Mardi et le mercredi, on débite et on fait les diverses préparations.» Alain et Valérie passent les deux journées entières dans leur labo.

 

IMG_5786Le retrait à la ferme des produits sous vide est assuré le jeudi et le vendredi. Une partie est vendue aussi par un cousin sur les marchés. «On ne travaille que sur commande» explique Alain, à qui la gestion du stock et l’équilibre matière ne semblent pas poser de problèmes.

 

Au bout de dix ans, avec l’essor de la vente directe, tout ce travail avait fini par créer souci : «On n’arrivait plus à tout faire à deux. » Telle est a raison essentielle de l’engagement dans la maternité collective. Elle a permis de salarier l’activité de naissage en s’associant avec d’autres éleveurs. Dans
le même but, les travaux aux cultures ont été délégués à des entreprises et des tiers. 

 

Mais, direz-vous, quel est donc le rapport entre ces cochonnailles et le tracker photovoltaïque ? Il y en a bien un. Il s’agit de la très grosse consommation d’électricité, laquelle est devenue peu à peu la première dépense d’énergie de la ferme.

 

Chambres froides, production d’eau chaude et lave-vaisselle batterie d’un côté, chauffage en post sevrage, gros moteur (7kW) du broyeur et soufflerie du transporteur de la fabrique d’aliment de l’autre, tout ce système est très gourmand en kilowattheures.

 

A cela s’ajoutent la pompe d’irrigation pour alimenter le pivot en été et le chauffage de la maison d’habitation en hiver. « Tout est branché sur le même compteur.» Il suffit donc de prendre la facture annuelle EDF pour chiffrer le coût de cette fringale énergétique. En 2013, elle s’élève à
seize mille euros (HT abonnement inclus) pour cent soixante-quatre mille kWh consommés. 

 

Production supérieure et étalée 

 

Il y a trois ans, l’éleveur avait comme d’autres investi dans une toiture photovoltaïque sur l’un de ses hangars. L’installation de 36kWc bénéficie d’un contrat de revente à EDF à prix garanti. Elle doit assurer un complément de revenu une fois que l’investissement sera amorti. Mais elle ne permettra pas de faire d’économies sur une facture qui devrait sans doute s’alourdir dans les années futures avec la hausse du prix du kwh et également des taxes, contributions diverses et prestations de fourniture.

 

«On avait aussi pas mal de baisses d’intensité sur la ligne » note Alain qui, en définitive, estime que produire au moins une partie de son électricité est une façon supplémentaire de sécuriser encore un peu mieux son système. D’où l’idée d’un second circuit court, électrique, fondé sur l’autoproduction, lui aussi destiné à éviter les aléas économiques extérieurs. « Le problème de valoriser sa propre production électrique sans stockage, est que tout ce qui n’est pas consommé dans l’instant est donné gratuitement à EDF» remarque David Leroueil de Terrena innovation, société qui a installé le tracker en partenariat avec le fournisseur OKwind basé à Vitré.

 

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Il est donc impératif de dimensionner l’équipement en rapport avec la consommation, mais surtout que cette dernière soit régulière. C’est le cas chez Alain Lecomte. Toute la ferme étant branchée sur un seul et même de compteur, il apparaît que les consommations sont réparties de façon assez équilibrées.Certains matériels fonctionnent plus en été (chambres froides, irrigation), d’autres en hiver (chauffages) . La fabrique d’aliment tourne toute l’année, demême que le labo, mais les gros matériels (broyeur, batterie) ne sont pas  déclenchés au même moment dans la journée, en général.

 

L’installation du tracker et de tout un dispositif de suivi en direct de la production et de la consommation globale a permis de vérifier cette relative régularité, et sans doute de sensibiliser Alain à cette question. Reste un inconvénient. Le tracker coûte nettement plus cher qu’une installation fixe
classique en toiture équivalente. La note monte à quarante-cinq mille euros pour un équipement de 13,44 kWc, identique à celui installé ici.

 

En revanche, à surface égale de panneaux, il est censé produire davantage puisqu’il suit le soleil dans sa course. Ce gain serait de 35 % selon le fabricant. Les plaques étant à l’air libre, elles chauffent moins ce qui expliquerait aussi en partie leur meilleur rendement. La production est également plus étalée sur la journée par rapport à un dispositif en toiture qui lui présente un pic de production marqué lorsque les rayons solaires sont les plus directs. Alain possède une toiture photovoltaïque.

 

L’occasion rêvée de vérifier les performances supérieures du tracker. Il a accepté sans sourciller de signer un contrat d’expérimentation Sentinelles de la Terre, « très sécurisant pour mon investissement ». L’approche économique, avec amortissement sur vingt ans et prêt de sept ans, prévoit une rentabilité très rapide : « Dès la deuxième année de production, l’économie annuelle réalisée devient supérieure à l’annuité à verser» souligne David Leroueil.

 

Ce gain ne fait ensuite que croître et il friserait les quatre mille euros en cumulé au bout de huit ans. A condition que les performances soient au rendez-vous. 

 

40 à 60 % d’électricité en plus

 

Après quatre mois, de juin à fin septembre, les résultats sont encourageants. La production cumulée du tracker atteint 10 570 kWh. Elle est supérieure de 9 % aux prévisions. Plus de 99% ont été effectivement consommés sur chacun des quatre mois. Cela a permis de couvrir 22% de la consommation électrique de la ferme.

 

En comparaison, la production de la toiture est évidemment supérieure car la capacité installée est presque trois fois plus importante mais à puissance équivalente, les panneaux du tracker ont produit selon les mois entre 40 et 60% d’électricité de plus (47% en moyenne) que ceux installés en fixe. Il faudra confirmer sur une période plus  longue.

 

Pour couvrir plus d’un cinquième des besoins électriques, un autre tracker serait nécessaire. «Mais il faudrait aussi décaler nos consommations pour s’adapter à la production » considère Alain Lecomte, qui ne semble pas prêt à cela. A moins que le stockage devienne accessible. D’ici là, c’est un pas concret pour de réelles économies.

 

Dominique Martin

 

L'exploitation

Alain et Valérie Lecomte

Productions animales

  • Engraissement de 4300 porcs par an
  • Entrée de 340 porcelets de 8 kilos toutes les quatre
    semaines produits en maternité collective.
  • 400 porcs transformés et vendus en direct par an ; le
    reste commercialisé en porc D’Anvial

 

Surfaces

56 hectares de cultures dont

  • 22 ha de maïs irrigué récolté en grains humides
  • 20 ha de blé
  • 7 ha de haricots irrigués
  • 7 ha de colza

 

Dates clés

 

  • 1990 : installation d’Alain Lecomte en élevage porc naisseur plein air
  • 2000 : démarrage de la transformation et de la vente directe
  • 2010/2011 : passage en maternité collective 
  • 2012 : installation en toiture de 36kW de panneaux photovoltaïques pour vente de l’électricité.
  • 2015 : installation d’un tracker photovoltaïque pour autoconsommation électrique.


Retrouvez cet article dans le numéro 125 d’Horizon paru en novembre 2015.