Parcours arboré d’un jeune éleveur
Cassis, brebis et volailles label. Installé il y a juste deux ans sur une petite structure, Ulric Ganuchaud conjugue trois productions. Et il imprime sa marque en plantant des arbres.
Deux ans exactement. En ce mois d’août des plus secs, Ulric Ganuchaud s’apprête à arroser ses deux premières années d’agriculture à son compte.
Il vient juste de terminer sa récolte de cassis. « C’est nettement moins bon que l’an dernier. En noir de Bourgogne, j’ai fait onze tonnes et demi, contre trente l’année dernière. Le cassis cela peut être soit très bon, soit très mauvais. » Heureusement il y a les volailles label et les brebis dont les revenus, sans atteindre des sommets, sont eux nettement plus réguliers et assurent la trésorerie. A presque 28 ans, Ulric se trouve à la tête d’une exploitation bien peu conventionnelle. Il l’a reprise à des tiers près de la Pommeraye dans les Mauges. «On ne se connaissait pas avant. Le cédant m’aide ; il est content que j’aie pris la suite.»
Reprise et continuité
Des trois productions qu’il conjugue, le jeune homme n’avait aucune expérience auparavant. Originaire de Loire Atlantique, Ulric n’est pas né de l’agriculture. « Mais j’avais des oncles exploitants agricoles. » Son épouse est de la Pommeraye. Ses beaux-parents élèvent un troupeau de vaches allaitantes en bio. «Ce n’était pas suffisant pour s’y installer à deux.» Aussi Ulric s’est lancé seul. Pour le moment, sa compagne est salariée dans une coop bio. Lui, il a toujours voulu entrer dans le monde de l’agriculture.
Adolescent, il se lance dans un brevet puis un bac pro, obtenu à la Marchanderie à Ancenis. Il tente le BTS, sans le réussir. Il comble par diverses expériences. En chèvres d’abord, pour son alternance. Puis neuf mois dans les Hautes Alpes avec son épouse : «On est partis pour voir autre chose, d’autres gens. » Ils travaillent en service de remplacement. « Nous avons appris à faire du fromage, de la tomme et du reblochon, c’est indispensable là-bas pour faire du remplacement. »
Puis Ulric embraye dans un gaec laitier pour trois ans à Montjean sur Loire, comme « agent d’élevage ». « A ce moment, j’ai entrepris de chercher une ferme. » Trois possibilités s’offrent à lui : «Un élevage allaitant, mais il fallait reprendre la maison avec. Une autre ferme où tous les bâtiments étaient à refaire. Enfin j’ai trouvé ici. » Après quelques jours sur place puis tout au long des six mois de son stage de parrainage, cela devient comme une évidence : « J’ai pensé que le mieux était de maintenir l’exploitation comme elle était, de continuer au lieu de tout bouleverser. »
Il réaménage juste la bergerie pour la rendre plus lumineuse. Il apprend sur le tas. «Les ovins, c’est une peu comme les allaitantes. Le cassis reste une production marginale mais finalement c’est très intéressant. Ça me change des vaches.»
Des arbres dans les parcours
Les trois productions se révèlent assez complémentaires. Elles se coulent bien dans la petite structure de cette ferme de trente-huit hectares. Le cassis occupe près de la moitié de la surface pour en tirer de la valeur. Le noir de Bourgognecommeles autres variétés à plus fort rendement sont sous contrat avec la coopérative Fleurons d’Anjou. Dans ce secteur vallonné des Mauges, les coteaux enherbés représentent un tiers de la surface. Alors qu’autour ils tombent en friche, les près à forte pente accueillent ici le troupeau de quatre-vingt-dix brebis. Les agneaux sont vendus sous la marque D’Anvial.
Enfin les deux bâtiments volailles label engagés avec les Fermiers d’Ancenis et leurs parcours occupent deux hectares de terre. «Je fais aussi quatre ou cinq hectares de triticale et méteil, pour la rotation et avoir du grain pour les brebis.» Les terres peu propices aux céréales sont cultivées à peu de frais: «Je sème fort puis je ne fais ni désherbage ni fongicide. Je récolte entre cinquante et soixante-dix quintaux. »
Les trois productions à valeur ajoutée ont pesé dans la balance: «Sans elles, je n’aurais pas repris la ferme.» A l’usage, elles s’insèrent assez bien dans le calendrier de travail. Les agnelages se concentrent l’hiver de fin décembre à mars. C’est à ce moment que commencent les travaux aux cassis avec les apports de fertilisants puis les traitements, contre l’oïdiumet les cochenilles notamment. En juin suivent les foins sur les quelques hectares de prairies en rotation. Puis les trois premières semaines de juillet sont prises pour la récolte des cassis. Tout au long de l’année, la volaille label procure une charge de travail constante mais limitée.
«C’est toujours la même chose, un travail un peu monotone, mais bien étalé dans le temps. Le plus prenant, ce sont les vides sanitaires. «Cet été, Ulric s’est laissé surprendre: « J’ai eu un enlèvement de volailles juste après la récolte des cassis. C’était chaud. D’habitude j’essaye d’anticiper pour éviter ce genre de chevauchement. » Alors que les anciens exploitants étaient deux, le jeune lui est seul pour faire face au planning de travail.
Tout en épousant l’existant, le jeune homme amène une vision nouvelle. Trois mois après son installation, il commence à planter des arbres. «Je suis sensible à leur présence dans le bocage depuis mon enfance.» Le petit monde des haies fait son bonheur de chasseur, plus pour se promener et observer que pour tirer, dit-il. En décembre 2013, il plante cent dix arbres dans les parcours des volailles label. Un plus esthétique, pour l’environnement, et aussi pour la volaille. Dans ces parcours constitués il y a plus de vingt ans – les bâtiments datent de 1987 et 1998– un bouquet de vieux sujets offrent leur ombre chaque été.
«Dès que j’ouvre les portes, les poulets se précipitent dessous.» C’est pour généraliser un tel abri du vent et du soleil, et inciter les volailles à explorer tout le parcours, que les lignes d’arbres ont été plantées en respectant une orientation Nord/Sud. De cette façon, elles présentent toujours un côté à l’ombre. L’espacement est de quinze mètres entre lignes et de huit entre les arbres. L’ensemble du parcours est ainsi couvert et devrait former d’ici une dizaine d’années un espace semi ouvert, tant visuellement qu’en termes de circulation. Sur les conseils de Mission Bocage, cinq espèces seulement y alternent.
Certaines ont déjà pris un petit développement comme l’érable champêtre et le charme. L’orme résistant, le chêne rouvre et le tilleul sont plus lents à la croissance. Quelques arbres ont souffert du coup de sec de l’été et devront être remplacés. «J’en ai perdu aussi à cause des pintades.» Les protections hautes installées le long des troncs sont plutôt conçues pour contrecarrer le gibier. «Les pintades elles grattent la terre tout autour et piquent les racines. Il vaudrait mieux éviter d’en mettre au moins les deux premières années.»
Le coût élevé de vingt-deux euros par arbre (avec tuteur et protection) a été en majeure partie pris en charge par des subventions et une aide du groupement d’éleveurs.
Demain des allaitantes ?
Ulric a d’autres projets en tête. « Les deux derniers hivers, j’ai planté deux hectares de cassissiers ; j’ai mis en même temps une haie de trois cents mètres pour couper du vent. Je voudrais aussi ramener des auxiliaires pour peu à peu diminuer les traitements. » Son idée serait au fur et à mesure du renouvellement des cassis de planter des haies de bordure afin de redécouper ses parcelles. L’une fait treize hectares à elle seule. «Je pourrais planter une haie tous les 150 mètres. » Il faudra du temps, car une plantation peut durer de neuf ans à dix sept ans.
Sans vraiment le dire, le jeune homme pense évoluer lentement vers le bio : « Je suis dans la mouvance d’utiliser de moins de produits chimiques, mais cela se fait sur une carrière.» Le cassis étant très fragile au moment de la floraison,les haies pourraient aussi améliorer les conditions de pollinisation. « Cette année, on a manqué d’humidité à la floraison. » Bien qu’il fasse appel à une apicultrice de la commune, début avril les abeilles des ruches disposées dans les cassis sont allées batifoler ailleurs. « Il y avait du colza tout autour. Les abeilles étaient toutes dessus. Les cassis que l’on a ramassés sont venus plutôt pas la deuxième floraison.»
L’idée de reprendre le troupeau d’allaitantes des beaux-parents trotte toujours dans la tête du jeune couple qui ainsi pourrait vivre à deux de la ferme: «L’intérêt serait surtout de garder le réseau de vente directe qu’ils ont créé. » Mais avant d’envisager de rapatrier les bêtes sur la ferme, Ulric et son épouse ont à coeur d’y construire leur maison. Il reste aussi quelques hectares de cassis et une vingtaine de brebis à reprendre. Chêne ou fermier, dans les terres bocagères des Mauges s’enraciner prend des années.
L'exploitation
Exploitation individuelle
Ulric Ganuchaud – La Pommeraye (Maine et Loire)
Surfaces
38 hectares dont :
– 15 ha de cassis,
– 12 ha de coteaux,
– 5 ha de céréales (triticale et méteil)
– le reste en prairies temporaires.
Productions animales
– Deux poulaillers label Fermiers d’Ancenis de 400 m²
– 90 brebis ; agneaux commercialisés sous marque D’Anvial
Dates clés
– Septembre 2013 : installation d’Ulric
– Décembre 2013 : plantation de 110 arbres dans les parcours label.